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Adresse aux signataires

Vous avez pensé nécessaire et utile de signer l’appel pour des États généraux de l’éducation – Égalité, Émancipation, Démocratie que quelques militants ont initié autour de la revue Carnets Rouges.

Nous partageons un constat…

D’évidence, c’est que vous partagez le constat de l’incapacité de nos politiques scolaires successives à rendre réelle la promesse républicaine d’égalité de permettre à toutes et tous de s’émanciper intellectuellement, culturellement, socialement par les savoirs et la culture commune.

Vous constatez, comme nous, une absence patente de détermination à rendre effective cette égalité, faute d’investir dans les moyens nécessaires à une politique volontariste, déterminée à faire progresser l’égalité.

Et malgré les tentatives rhétoriques d’un discours libéral qui ne cesse de proclamer la réussite de tous, nous partageons les vives inquiétudes que génère le constat de tout ce qui, au contraire, contribue aujourd’hui à creuser davantage les écarts : le repli des objectifs d’apprentissage sur les « fondamentaux », la réduction de l’enseignement général dans les lycées professionnels, la privatisation de l’orientation et de l’aide aux élèves, la délégation de la formation professionnelle aux entreprises, la sélection à l’entrée à l’université, la mise en concurrence des établissements par un baccalauréat de plus en plus local, le soutien à l’école privée au dépens de la mixité scolaire et, désormais, même les craintes d’un renoncement à l’éducation prioritaire…

Toutes ces évolutions nous éloignent davantage encore des perspectives d’une école égalitaire, capable de permettre le partage de la culture commune.

Dans ces temps où tout le monde ne cesse d’en appeler aux valeurs républicaines, quel paradoxe ! Le discours ne cesse de brandir les dangers du séparatisme mais le projet politique refuse les moyens nécessaires à l’école pour qu’elle puisse construire la capacité raisonnée de l’exercice des libertés, celle qui suppose une liberté de jugement fondée sur les savoirs et la culture commune, celle qui permet de les constituer comme le vecteur de notre cohésion sociale.

…mais nous en refusons la fatalité !

Comment pourrions-nous supporter encore que le service public d’éducation investisse toujours davantage au service des finalités élitistes qui permettent de garantir aux enfants de privilégiés la reproduction de l’ordre social alors que les moyens d’enseignement, le temps de scolarité, la qualité de la formation des enseignants ne cessent de se réduire pour l’ensemble des élèves ?

Comment pourrions-nous accepter que pour les enfants des milieux populaires, l’ambition se réduise à la maîtrise de quelques fondamentaux, dans la seule perspective d’une adéquation de l’ambition des savoirs aux besoins élémentaires des entreprises ?

Comment pourrions-nous nous taire quand, après avoir tant proclamé la confiance, la politique ministérielle actuelle se caractérise par une rupture consommée et sans cesse grandissante avec l’ensemble des acteurs, désormais considérés comme de seuls exécutants de consignes autoritaires qui s’avèrent bien incapables de répondre aux défis réels de la réussite scolaire.

Nous refusons que cette rupture entre la politique scolaire et la population soit une fatalité dont les stratégies néolibérales pourraient continuer à profiter pour que les classes sociales dominantes fassent perdurer une école de la reproduction essentiellement motivée à faire perdurer l’ordre économique et social…

L’éducation en débat

Dans une période où le discours institutionnel martèle ses vérités, considérant que convaincre, c’est répéter ad libitum même quand la réalité offre l’occasion répétée du doute, il est devenu essentiel d’offrir la possibilité d’une large expression en faveur d’une école égalitaire. C’est pourquoi notre proposition est celle de la multiplication des débats qu’ils soient à l’initiative des signataires de l’appel ou qu’ils naissent dans des volontés locales de rassembler et d’échanger. Bien sûr, la crise épidémique nous obligera, dans un premier temps, à nous contenter de rencontres à distance par écrans interposés mais nous nous souhaitons de pouvoir retrouver le plus rapidement possible la réalité sociale et physique de ces rencontres.

Nous n’avons pas le souhait d’imposer un format prédéterminé. La seule contrainte est de nous faire remonter les idées essentielles qui auront émergé du débat, ses valeurs partagées ou au contraire ses points de tension.

Nous n’avons pas l’intention d’un sondage d’opinion ou d’une enquête sociologique mais de pouvoir, une fois terminées ces réunions, à l’automne 2021, tirer l’essentiel des propos tenus et témoigner d’une volonté populaire pour une école égalitaire. Ces expressions seront rendues publiques dès le début de l’année 2022.

Nous ne demandons pas à ces débats d’être capables de concevoir un système et ses organisations, ni de définir ce qui relève de la responsabilité des enseignants et des professionnels de l’éducation et de l’enseignement. Nous voulons que ces débats offrent les possibilités des échanges et des controverses indispensables pour affirmer ce que doivent être les finalités de l’école, les priorités qu’on lui demande de mettre en œuvre, les enjeux qu’elle doit gagner.

Des outils sont d’ores et déjà disponibles pour que puissent être proposées les premières initiatives. Vous serez évidemment les bienvenus pour les susciter, les accompagner, aider à leur mise en œuvre et y soutenir la qualité des échanges. Et dès maintenant nous sommes dans l’attente de vos propositions, de vos idées… Vous l’avez compris, nous n’avons pas l’intention de faire une usine à gaz où les actions menées ici ou là ne pourraient être déterminées que par une organisation centralisée. C’est pourquoi nous avons besoin de vous, de vos initiatives.

Que ce débat fasse naître une espérance

Nombreux sont celles et ceux qui pensent que tous les élèves sont capables de réussir mais une telle espérance est en permanence soumise aux doutes.

D’aucuns continueront à nous expliquer que l’épanouissement des individus reste conditionné à des dispositions naturelles, des aptitudes individuelles et qu’il ne serait pas raisonnable, en période de dette et d’austérité, de combattre par la dépense publique ce qui s’inscrirait dans une détermination naturelle de nos avenirs.

D’autres nous parlerons de la faible motivation des familles des milieux populaires, du manque de détermination des parents à soutenir l’engagement scolaire et des impossibilités qui en résultent.

D’autres encore évoquerons, avec un cynisme assumé, le renoncement nécessaire dans une société qui aurait économiquement besoin d’emplois peu qualifiés et n’aurait donc aucune logique à investir davantage que l’ambition d’un socle minimal.

Face à la prégnance de ces discours trop souvent soutenus par l’analyse superficielle de certains médias, il est temps de retrouver les vertus de l’échange collectif, de l’éducation populaire, de la force que nous donne le partage des valeurs communes pour résister aux stratégies rhétoriques de la communication néolibérale.

Puissent nos États généraux faire renaître l’espérance d’une école capable de contribuer à une plus grande égalité. Capable de penser la réussite scolaire non plus dans les termes de l’épanouissement individuel mais dans ceux du progrès social.

Et permettez-nous, en cette année anniversaire de la commune de 1871, de terminer en citant les membres du comité du IVème arrondissement qui affirmaient en mai 1871 leur programme pour l’école avec une ambition simple mais si féconde : « apprendre à l’enfant à respecter ses semblables, lui inspirer l’amour de la justice et lui enseigner qu’il doit s’instruire en vue de l’intérêt de tous ».

Voilà ce qui pourrait être l’expression simple mais sûre de l’ambition de nos États généraux : une école où l’on accède aux savoirs dans l’intérêt de tous.

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